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Hannibal le lecteur

Le Projet Bleiberg / David S. Khara

12 Novembre 2010 , Rédigé par Hannibal Publié dans #Polar français

Je vous en avais récemment parlé en passant dans cet article à propos de la vitalité du polar à Rennes : le voilà lu et chroniqué.

Je parle bien sûr du Projet Bleiberg, le premier polar publié par les éditeurs-libraires rennais de chez Critic et écrit par David S. Khara.

 

 

ProjetBleibergRésumé

 

1942, Pologne, camp de Stutthof.

Heinrich Himmler, le Reichsführer-SS en personne, vient visiter les installations et rencontrer un scientifique dont les recherches pourraient bien changer l'ordre mondial.

De nos jours, Manhattan.

Jay Novacek est un trader au bout du rouleau, sombrant dans la dépression et l'alcoolisme. Il apprend le décès de son père, membre important de l'US Air Force. La mort suspecte du vieil homme amène Jay à se poser des questions sur le passé de la famille.

Au même moment, Langley, Virginie.

Un agent du Mossad élimine un espion après l'avoir interrogé à sa manière. Grâce aux informations qu'il vient d'acquérir, il se dirige vers sa prochaine cible : un dénommé Jay Novacek.

 

 

Mon avis

 

Le roman s'ouvre sur Horst Geller, un SS allemand fatigué par la guerre et l'hiver polonais qui aspire seulement à retrouver sa famille. Avec lui, on visite le camp de concentration de Stutthof, en ce 9 novembre 1942. On fait ensuite la connaissance de Jay Novacek, un trader new-yorkais qui nous raconte sa décrépitude et son envie d'en finir avec la vie.

 

« Je n'aurai qu'une chose à faire, mais je n'en ai pas le courage. Une bastos, une corde, ou le grand saut depuis le toit d'un immeuble et on n'en parle plus. Mais je suis un lâche. Alors, en désespoir de cause, je me flingue à petit feu. Ça revient au même au final. »

 

David S. Khara alterne les points de vue et nous fait découvrir peu à peu ses personnages – celui d'Eytan Morg, l'agent du Mossad est particulièrement intéressant – n'hésitant pas à changer de voix en même tant que de narrateur.

 

« Les millions de morts causés par l'opération Barbarossa ne se relèveraient pas en martyrisant Berlin et sa population. Comme si l'absurdité de la guerre ne se suffisait pas à elle-même. Comme si la sauvagerie des vainqueurs effaçait la barbarie des perdants...

Quelle connerie, se dit-il.

Formulée à voix haute, cette réflexion lui aurait valu le peloton d'exécution dans l'heure. À l'instar de nombre de ses camarades qui n'en pensaient pas moins, il se rappela que Staline partageait avec Hitler un goût prononcé pour les purges. Sous les deux régimes, se taire restait la seule recette fiable pour prolonger son espérance de vie. L'Allemagne possédait son Führer, les Soviétiques disposaient d'un Vojd, autrement dit un guide. Trouver une différence relevait de la gageure. »

 

Au fil des pages, il jongle habilement entre passé et présent pour faire avancer son intrigue. Jay décide d'enquêter sur la mort de son père et déterre peu à peu un secret de famille. En parallèle, le lecteur découvre la teneur de certaines expériences menées par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale, au détriment des prisonniers juifs, qui servaient alors de cobayes humains.

 

« Prenons un shaker. Versons-y une pointe d'Air Force, une lampée de CIA, deux doigts de Suisse et un zeste de Nazi. On obtient un cocktail que je suis curieux de goûter. J'ai un passeport, du pognon et du temps à consacrer à cette affaire. De toute façon, je n'ai rien de prévu dans mon agenda. Quitter ce pays un moment ne me fera pas de mal. [...] Une cigarette, à manger, pour un peu je ne me sentirais pas mal du tout. C'est triste à dire, mais il aura fallu la mort de mon père pour que j'ai l'impression de respirer pour la première fois de cette année maudite. »

 

L'intrigue proposée par David S. Khara est ambitieuse, à la fois complexe et coulant de source, actuelle et profondément ancrée dans le passé. L'auteur maîtrise le suspense, laissant très peu de répit au lecteur, qui voit s'enchaîner les scènes d'action et les rebondissements, le tout n'étant pas dénué d'une touche d'humour bienvenue. Difficile d'arrêter la lecture en cours de route tant on aimerait bien, comme Jay, comprendre ce qui se trame. Seul bémol, les révélations finales, fort surprenantes au demeurant, ne parviendront peut-être pas à convaincre la totalité des lecteurs (j'ai eu personnellement du mal à tout avaler).

 

Également auteur cette année des Vestiges de l'aube (chez Rivière Blanche), David S. Khara signe avec Le Projet Bleiberg une entrée fracassante dans monde du polar. Intelligemment écrit et efficace, on comprend l'engouement actuel pour ce thriller, qui laisse augurer de belles choses pour son auteur.

 


 

Le Projet Bleiberg de David S. Khara, Éditions Critic, 260 pages.

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