La tristesse du samouraï / Víctor del Árbol
La tristesse du samouraï (La tristeza del Samurái), paru chez Actes Sud en 2011, est le second roman
du Catalan Víctor del Árbol (le premier n'ayant pas été traduit pour l'heure).
Résumé
Barcelone. Mai 1981.
María Bengoechea, une avocate reconnue gravement malade, passe ses derniers jours à l'hôpital. Suspectée de plusieurs assassinats, elle
reçoit la visite de l'inspecteur Marchán, bien décidé à découvrir toute la vérité.
Mérida. Décembre 1941.
Fuyant son mari, Isabel décide de partir et emmène avec elle Andrés, le plus jeune de ses deux fils. Alors qu'elle croyait avoir fait
le plus dur, elle se fait rattraper à la gare par l'un des hommes de main de son mari, qui n'est autre que son amant. Il lui ravit l'enfant pour la contraindre à renoncer à son plan.
Mon avis
Víctor del Árbol travaille pour la police catalane après avoir suivi des études supérieures d'Histoire. De par son
parcours, on comprend aisément qu'en matière d'écriture, il ait choisi le polar historique. Bien lui en a pris.
« Il souriait avec cynisme, convaincu que rien n'avait changé depuis 1936. Toutes les énergies, tout le sang versé dans cet
affrontement n'avaient servi à rien. Franco était mort depuis cinq ans, et les vices refleurissaient, comme les mauvaises herbes. L'Espagne était de nouveau une friche à vocation de désert,
habitée par de pauvres bêtes nihilistes. Seuls les animaux ramollis depuis des décennies étaient capables de se laisser conduire à l'abattoir de façon aussi soumise, capable de croire, et même
d'avaler, tout ce que disaient les personnages auréolés de pouvoir. N'importe quoi, pourvu que cela colore d'un peu de foi leur existence languissante, car ils étaient incapables de prendre le
taureau par les cornes.
Mais tout cela allait changer. »
Ce second roman (El peso de los muertos, le premier, paru en Espagne en 2006, n'a pas été traduit en français
à ce jour) faisant évoluer de nombreux personnages à différentes périodes ne manque assurément pas d'ambition. De la fin de la guerre d'Espagne aux années 1980 en passant par la Seconde Guerre
mondiale et le franquisme, l'auteur espagnol balaie avec La tristesse du samouraï l'histoire contemporaine de son pays.
« - Personne n'est jamais complètement innocent.
Honteux et amer, Fernando mesurait combien ces mots étaient justes. Le destin était étrange, il décrivait des cercles qui reliaient
les événements apparemment sans liens entre eux et soudain tout s'expliquait. Il comprenait maintenant qu'il était enfermé dans ce cercle et que d'une certaine façon les enfants paient pour les
crimes commis par les parents. »
Au fil des pages et des époques, le lecteur découvre de nombreux protagonistes, bien campés, dont les destins vont peu à peu
s'entremêler. La part belle est faite aux personnages féminins – María et Isabel jouent toutes deux un rôle essentiel – dont les pensées sont données à voir avec finesse. Tout au long des
décennies, les morts se suivent, la haine prend le dessus, et les coupables ne sont pas forcément ceux que l'on croit... Aux intrigues solides et intéressantes s'ajoute une écriture agréable à
lire et par moments empreinte d'une certaine poésie.
Avec La tristesse du samouraï, Víctor del Árbol signe un polar historique ambitieux et
réussi qui en appellera sans doute d'autres. Le prochain projet de l'auteur catalan mêlera semble-t-il l'histoire de l'Espagne à celle de l'Algérie ? Affaire à suivre...
La tristesse du samouraï (La tristeza del Samurái, 2011) de Víctor del Árbol, Actes
Sud (2012). Traduit de l'espagnol par Claude Bleton, 349 pages.