Le Camp des morts / Craig Johnson
Le Camp des morts (Death Without Company) de Craig Johnson est la seconde enquête du shérif Walt Longmire. Je vous avais déjà parlé de ce sympathique personnage à
l'occasion de la sortie du premier roman, Little Bird – un vrai coup de coeur pour moi, souvenez-vous –
paru chez Gallmeister tout comme celui-ci.
Et puisqu'une bonne nouvelle n'arrive jamais seule, la sortie du second roman coïncide avec la victoire du premier pour le Prix du roman noir Nouvel Obs Bibliobs (voir par ailleurs).
Résumé
Mari Baroja est retrouvée sans vie par le personnel de la maison de retraite où elle passe ses vieux jours. A priori la mort de la vieille femme est naturelle, bien que tout le monde ne soit pas
de cet avis. A priori seulement, puisque le shérif Walt Longmire doit rapidement se rendre à l'évidence : quelqu'un semble bien décidé à faire taire les personnes concernées par l'enquête. Walt
doit donc plonger cinquante ans en arrière pour essayer de comprendre les tenants et aboutissants de cette affaire, et tout ça dans l'urgence. En effet, il n'y a pas de temps à perdre, le
meurtrier jouant avec les nerfs de la police.
Mon avis
« Je m'excusai et partis aux toilettes, y fis ce que j'avais à y faire, me lavai les mains et m'appuyai sur le lavabo. Je regardai mon visage dans la glace. Il n'était pas mal, si on exceptait le fait qu'il avait besoin de huit heures de sommeil d'affilée, d'une coupe de cheveux, de dix kilos et dix ans de moins. Mon menton était trop fort, mes oreilles trop grandes, et mes yeux étaient trop enfoncés dans leurs orbites. Je reculai autant que me le permettai la longueur de mes bras et je me trouvai un peu mieux. Je n'étais toujours pas certain que la barbe était un bon choix, mais elle permettait de cacher bien des défauts. »
Après Little Bird, revoilà donc Walt Longmire, le shérif au grand coeur, de retour dans sa seconde enquête. Le lecteur retrouvera donc, le sourire aux lèvres, ce très sympathique représentant de la loi à l'humour ravageur, ainsi que toute sa bande. L'Indien Henry Standing Bear, dit l'Ours, barman – intrépide – de son état ; et Vic, sa charmante collègue qui ne s'en laisse pas compter. Il faudra désormais y ajouter un petit nouveau, le jeune Santiago Saizarbitoria – Sancho pour les intimes – à l'essai au début de l'enquête mais qui va vite se montrer indispensable, ne serait-ce que par sa maîtrise de l'euskara, la langue des Basques et de la victime, et donc de la communauté avec laquelle devra composer Walt pour mener son enquête à bien.
« - Je crois qu'il avait à peu près le même âge que mon fils William, et que toi, quand j'y pense. (Le juge contempla les dalles du plafond acoustique pendant un moment. Je me demandai
commentil pouvait jouer autant avec sa moustache sans qu'elle lui reste dans la main.) Mais je n'arrive pas à me rappeler le père.
- Il n'est pas resté longtemps dans le paysage.
- Ah, dit-il en souriant. Mais je me souviens bien d'elle. (Je fus un peu surpris par son sourire.) Elle venait en ville le jeudi après-midi, garait sa voiture toujours à la même place. Je la
regardais depuis la fenêtre de mon bureau pendant qu'elle remontait Main Street.
L'image de son honneur pendu à la fenêtre du second étage du tribunal en train de suivre des yeux Mari Baroja évoluant d'un pas léger sur le trottoir était pour le moins surprenante.
- Bon sang, Vern, t'es un sacré pervers.
Il secoua la tête.
- C'était une très belle femme, difficile de ne pas la regarder. (Il retira son coude du poteau et le tapota pour le remercier de l'avoir soutenu. Dans le monde de Vern, même les objets inanimés
étaient traités comme des électeurs en puissance.) »
L'écriture de Craig Johnson est toujours aussi savoureuse, avec d'excellents dialogues, de l'humour – beaucoup – et de magnifiques descriptions de l'hiver dans les Hautes Plaines du
Wyoming.
Si la galerie de personnages – exceptionnelle – et la touche Johnson – inimitable – restent les points forts de la série, ce deuxième opus laisse une plus grande part à l'intrigue.
Davantage de suspense, une tension quasi-permanente, et des rebondissements à la pelle achèveront sûrement de convaincre les plus réticents.
Little Bird était déjà une réussite. Avec Le Camp des morts, le doute n'est plus permis : Craig Johnson est un grand. Rarement un auteur aura su rendre
des personnages de polar si sympathiques. Des hommes et des femmes que l'on voudrait voir sortir du roman pour pouvoir passer un moment privilégié à leurs côtés. Enfin, pas trop quand même, car
il ne fait pas toujours bon vivre du côté du comté d'Absaroka.
Une lecture indispensable, en commençant toutefois par le premier roman. Vivement la suite !
Le Camp des morts (Death Without Company, 2006) de Craig Johnson, Gallmeister (2010). Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Sophie Aslanides, 313 pages.