Los Angeles Noir
Los Angeles Noir est un recueil de dix-sept nouvelles noires ayant pour cadre la Cité des anges présenté par Denise Hamilton et publié en France par Asphalte (l'éditeur
original étant Akashic Books).
Les dix-sept auteurs sont, dans l'ordre d'apparition, Michael Connelly, Naomi Hirahara, Emory Holmes II, Denise Hamilton, Janet Fitch, Patt Morrison, Christopher Rice, Héctor Tobar, Susan
Straight, Jim Pascoe, Neal Pollack, Lienna Silver, Gary Phillips, Scott Phillips, Brian Ascalon Roley, Robert Ferrigno, et Diana Wagman.
Résumé
Le riche conducteur d'une Porsche Carrera se tue sur Mulholland Drive après avoir fait un plongeon avec son bolide. Le PDG d'origine chinoise d'une entreprise produisant des puces de silicone est
pris en otage à San Marino. Des villas de Beverly Hills se font cambrioler à la chaîne. Une jeune et jolie serveuse rêve de devenir actrice. Des ados trouvent un pistolet alors qu'ils jouent sur
un chantier d'East Hollywood. Deux immigrés russes vont pêcher à Santa Monica. A Mar Vista, un ancien délinquant devenu pasteur ne peut supporter que les autres enfants prennent le fils de sa
cousine pour un souffre-douleur en raison de son handicap. Voici le point de départ de quelques nouvelles de ce Los Angeles noir, qui en compte dix-sept.
Mon avis
La jeune maison d'édition Asphalte a lancé une nouvelle collection ayant pour but de faire découvrir les grandes métropoles du monde à travers une
anthologie de nouvelles noires. Après nous avoir fait visiter le Paris Noir sous la direction d'Aurélien Masson (le boss de la Série Noire), la série poursuit son voyage
et nous propose maintenant de voir le côté obscur de la Cité des Anges, avec pour guide principale Denise Hamilton, bien aidée par ses seize collègues auteurs, qui nous propose
tous leur vision de Los Angeles.
« Pour tout le monde à Rio Seco, L.A. n'était qu'une seule cité immense. Ils ignoraient que L.A. était en fait un millier de petites villes, des mondes entiers recrées parmi les arroyos,
les champs de fraises et les flancs de collines. Et que Downtown avait ses canyons de verre noir et argent, le Grand Central Market, Broadway et sa propre favela.
C'est là-bas que je me rendais à présent. J'étais près du croisement de 3rd Street et Main Street. Si vous n'êtes jamais allé au Brésil, si vous n'avez jamais vu de favela, eh bien, il vous
suffit de faire un tour à Skid Row. Des abris en carton, d'autres creusés sous les ponts des autoroutes, des hommes vautrés sur le trottoir en plein jour, leurs joues collés contre les
grillages. »
Le Golden Gopher, de Susan Straight
Chacune des nouvelles correspond à un quartier de la ville – un plan en début de recueil permet d'ailleurs au lecteur de se situer dans la cité – et met en scène différents types de personnages.
Au fil des textes, nous croisons des starlettes, des drogués, des policiers du LAPD, des familles richissimes, des has been fauchés, des travailleurs clandestins... Un simple aperçu de la
diversité de cette ville, qui est avec ses alentours la deuxième agglomération la plus peuplée des Etats-Unis.
« Quand il rentra chez lui d'un pas nonchalant et qu'il alluma la minuscule télévision dans sa chambre, ce fut pour tomber sur le couple de l'affiche, dans la bande-annonce du film.
« Dans les allées sombres d'une ville où règne la violence, récita une voix off, il n'y a pas de temps à perdre. » Il constata qu'on faisait l'apologie des armes à feu sur près de la
moitié des chaînes cablées. On pouvait y voir des soldats portant des fusils, des méchants qui brandissaient des mitraillettes, des femmes au foyer tapies dans des placards, un calibre 22 argenté
à la main, prêtes à repousser intrus et violeurs. Certaines de ces scènes avaient été filmées dans des quartiers résidentiels bordés de palmiers qui ressemblaient à s'y méprendre au sien. Les
gens tiraient, accroupis derrière des murs en ciment ; ils tiraient dans des cuisines ; ils tiraient en tombant d'un avion ; ils tiraient avant de sauter dans des lacs et des fleuves ; ils
tiraient dans des entrepôts, et leurs balles renvoyaient un bruit métallique lorsqu'une poutre en fer faisait dévier leur trajectoire. »
Lazare à Hollywood, d'Héctor Tobar
Les auteurs peuvent être mondialement connus, à l'instar d'un Michael Connely, mais pas nécessairement. Ils ont cependant quelques points communs : ils connaissent bien L.A. pour y avoir
vécu (on le sent à la lecture) et savent ce qu'écrire une nouvelle veut dire. L'action ne manque pas, l'atmosphère est généralement sombre à souhait, on visualise bien les scènes et les chutes
sont souvent de qualité. Pour achever de nous mettre dans l'ambiance, les auteurs ont concoté une playlist, que l'on retrouve en fin d'ouvrage.
« Yancy était une cause perdue. Il croyait en Dieu... en son Dieu, pas au leur. Là était le problème. Dieu ne pardonne certainement pas tout ce qu'on fait, faut pas rêver. Sinon, il
serait quand même sacrément con. On passe toute sa vie à jouer les salopards et puis, à la dernière minute, on dit qu'on regrette, et les portes du paradis s'ouvriraient toutes grandes devant
vous ? Des clous, ouais. Si c'était le cas, le ciel serait rempli de crapules et d'escrocs. Non, Dieu était un arbitre. Il ne faisait que compter les points. Et, à la fin, on était soit dans le
positif, soit dans le négatif. Dieu n'entendait pas les « j'suis désolé ». Il se moquait bien des pleurnicheries. Il faisait les comptes, c'est tout. On lui devait le respect, à ce fils
de pute. »
When the ship comes in, de Robert Ferrigno
Chaque auteur ayant une écriture propre et des préoccupations différentes, bien difficile de dire quelle est la meilleure de ces nouvelles. Personnellement, je retiendrai surtout
Mulholland dive de Michael Connelly, La méthode de Janet Fitch, 90210 Morocco Junction de Patt Morrison,
Lazare à Hollywood d'Héctor Tobar et Roger Crumbler de Gary Phillips. Je trouve qu'elles sortent du lot au niveau de la chute – élément
primordial d'une nouvelle selon moi – ou parfois au niveau du sujet abordé.
Gageons cependant que chacun trouvera son bonheur dans ce recueil homogène et de bon niveau.
Prochaine destination de ce tour du monde des nouvelles noires : Londres (fin octobre). Mais de nombreuses autres suivront, parmi lesquelles Rome, New Delhi, Brooklyn, ou encore Mexico.
Un grand merci à Babelio pour m'avoir permis de découvrir cette collection dont le concept me plaît beaucoup et que je suivrai dorénavant de près.
Los Angeles Noir (Los Angeles Noir, 2007) présenté par Denise Hamilton, Asphalte (2010). Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Patricia
Barbe-Girault et Adelina Zdebska, 335 pages.