La bulle de Bertold / Agrimbau & Ippóliti
La bulle de Bertold est une bande dessinée d'anticipation argentine. Signée Diego Agrimbau (scénario) et Gabriel Liniero Ippóliti (dessin, couleurs), elle est parue chez Albin Michel en 2005.
Elle a reçu en 2005 le Prix de la meilleure BD de SF décerné à l'occasion du festival Les Utopiales de Nantes.
Résumé
Butanie, en Patagonie.
Bertold Boro est accusé d'avoir menti sur l'état des réserves en gaz de la Bulle ainsi que d'être responsable d'une tentative d'incendie au sein du service des estimations et statistiques ayant fait quatorze morts. En conséquence, il est condamné à la peine d'amputation totale.
Mon avis
Les auteurs nous projettent dans le futur et dans un monde totalitaire. Les opposants au régime, les criminels et autres délinquants en tous genres sont condamnés à des peines d'amputation, plus ou moins lourdes selon les cas – un bras, deux membres, la peine maximale étant celle d'amputation totale, faisant du coupable un homme tronc.
C'est donc ce qu'il advient de Bertold (hommage évident à Brecht, le grand dramaturge), qui survit tant bien que mal en donnant sur une place de la ville un spectacle de ventriloquie.
Heureuse coïncidence, Froilan, le directeur d'une compagnie de théâtre recherche un « amputé total » pour remplacer l'un de ses acteurs. Malheureusement, se plaint-il, ceux-ci se font
rares (j'ajouterai même qu'on comprend pourquoi ils ne courent pas les rues).
Bertold est donc embauché par Froilan au « Théâtre des marionnettes vivantes ». Les acteurs et actrices sont tous des hommes ou femmes-troncs. Ils jouent avec leur visage et récitent
leur texte, un logiciel étant programmé pour les faire se déplacer grâce à des membres artificiels mûs par un système de cordes.
Bertold montre très vite l'étendue de son talent, aussi le directeur lui pardonne-t-il quelques approximations au niveau du texte – l'acteur a tendance à trop improviser. La pièce connaît rapidement un succès fou. Grâce à Lorenzo, le programmeur, qui lui permet de faire de plus en plus de choses, Bertold reprend goût à la vie.
J'ai découvert cette bande dessinée totalement par hasard (à la bibliothèque) et elle m'a tout de suite intrigué (couverture, 4e de couverture).
Le dessin est fort réussi et j'ai apprécié les jeux de couleurs, délavées, avec des dominantes sombres, ocre, rouille... qui collent bien à l'histoire. Le graphisme particulier de cette BD est à la fois agréable à l'oeil et dérangeant.
Le scénario aussi est très intéressant, tout comme le propos. La bulle de Bertold s'inscrit – modestement – dans la lignée des 1984 et autres Brave New World (Le meilleur des mondes en VF) comme une dystopie sur le totalitarisme. Ici, la machine (ou la société) détient un pouvoir absolu sur les êtres, qui ne sont que des marionnettes dont elle fait ce qu'elle veut. Malgré sa déshumanisation, Bertold garde espoir et compte bien trouver un moyen pour se venger de cette société qui a fait de lui un impotent.
A l'instar d'un Orwell ou d'un Huxley, Agrimbau et Ippóliti s'interrogent sur la liberté et le rôle que peut jouer un individu, seul mais dissident, face à un système totalitaire établi.
Une belle découverte que cette bande dessinée, qui rappelle parfois l'univers d'Enki Bilal. Je ne connaissais pas du tout ces auteurs argentins mais je vais me renseigner. Quelqu'un les connaît ?
La bulle de Bertold (La Burbuja de Bertold) de Diego Agrimbau et Gabriel Liniero Ippóliti Albin Michel (2005), traduit de l'espagnol (Argentine) par Jean-Michel Boschet, 46 pages.