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Hannibal le lecteur

Golgotha / Leonardo Oyola

4 Mai 2011 , Rédigé par Hannibal Publié dans #Polar sud-américain

Golgotha est un court roman noir de l'Argentin Leonardo Oyola. S'il s'agit du premier de ses romans à être traduit en français, il n'a pas commencé avec celui-ci (qui est son quatrième si je ne m'abuse).

 

 

GolgothaRésumé

 

Villa Scasso, un quartier pauvre à l'ouest de Buenos Aires.
Olivia, quinze ans, décède des suites d'une infection après qu'une faiseuse d'anges lui ai fait perdre l'enfant qu'elle ne désirait pas avoir. Magui, désespérée par la disparition de sa fille unique, accroche une corde à linge à un arbre du jardin et décide de la rejoindre.
Román Calavera, un jeune policier originaire du quartier, qui a bien connu Magui, ne peut pas laisser passer ça. Pour lui, ce double drame est l'œuvre d'un seul coupable, celui qui a osé mettre enceinte l'adolescente. Son collègue Lagarto a beau essayer de calmer ses ardeurs vengeresses, Calavera est bien décidé à faire payer cher à cet homme la mort des deux femmes.

 

 

Mon avis

« Il n'y a aucun dossier et aucun nom. Car il n'y a aucune trace des évènements. Officiellement, il n'y a pas d'affaire. Il ne s'est rien passé. Ce que je vais vous raconter n'est jamais sorti dans la presse. Personne n'est au courant de rien.

En théorie.

L'expérience nous enseigne que lorsque les gens se taisent, c'est parce que quelque chose vient d'arriver.

Quelque chose de grosso. Quelque chose de malsain. »


Carlos Salem, lui aussi argentin et auteur de romans noirs – on lui doit notamment Aller simple et Nager sans se mouiller – introduit dans son excellente préface le contexte de Golgotha. L'Argentine compte au bas mot dix millions de pauvres et le tango n'est qu'un cliché, tout juste bon pour vendre des cartes postales aux touristes. « La musique qui rythme et exprime la rage quotidienne de Buenos Aires, c'est le rock'n'roll. » Leonardo Oyola, par ailleurs journaliste pour la version argentine du magazine Rolling Stones, livre d'ailleurs en fin de roman une playlist pour le moins rock'n'roll.


Scasso est l'une des nombreuses villas miseria qui entourent la capitale (ces villas, équivalentes argentines des favellas brésiliennes sont nées après la Seconde Guerre mondiale, lorsque des milliers de ruraux ont rejoint la ville pour trouver du travail et se sont retrouvés confrontés à des problèmes de logement). Pour en sortir, il faut toucher le ballon comme Maradona... ou devenir policier. Leonardo Oyola, lui aussi natif de Buenos Aires, a eu pour sa part « la chance de naître avec deux pieds gauches », ce qui l'a poussé à suivre des études puis à écrire (on lui doit notamment Chamamé, qui a reçu à l'occasion de la Semana Negra 2008 le prix Dashiel Hammett du meilleur roman noir écrit en espagnol).

 

« Le sang appelle le sang. C'est un fait avéré aux quatre coins du monde. C'est comme ça. Point. C'est une escalade. Il faut montrer jusqu'où on est capable d'aller. Au début, c'est toujours un règlement de compte qui finit par un concours de celui qui a la plus grosse. »


À Scasso comme dans les autres villas, on survit plus généralement en faisant dans la délinquance. On raconte d'ailleurs que si les pasillos (les ruelles) y sont si étroites, c'est pour que les voitures de patrouille ne puissent pas y circuler. C'est au San Cayetano – un bar du quartier surnommé par les habitants le « Tiens-moi le gamin », du fait que le patron devait souvent se débarrasser de son enfant pour aller séparer les belligérants alcoolisés – que Lagarto, le policier-narrateur de Golgotha, a élu domicile. S'il a beau être conscient de se trouver sur la mauvaise pente, il ne peut se résoudre à abandonner à son triste sort son collègue Calavera, lequel semble bien décidé à supprimer cet homme qui l'obnubile. Les deux flics ont d'ailleurs tout intérêt à bien s'entendre mais aussi avec tous leurs collègues tant les habitants du quartier sont hostiles aux patas negras, ces policiers au salaire de misère à qui il reste à peine de quoi s'acheter des chaussures à la fin du mois.

« Les gens prudents et vindicatifs pensent que la vengeance est un plat qui se mange froid ; un conseil auquel Calavera n'a pas vraiment prêté attention. Román ne s'était pas seulement brûlé les mains, il s'était étouffé en se goinfrant avec un truc qui sortait tout juste du four. »


Avec Golgotha, court roman noir – le récit compte à peine plus de cent trente pages –, Leonardo Oyola nous propose tout à la fois une sombre histoire de vengeance et une plongée dans les bas-fonds de Buenos Aires. Un texte fort et âpre mais non dénué d'une certaine beauté.

 


 

Golgotha (Gólgota, 2008) de Leonardo Oyola, Asphalte (2011). Traduit de l'espagnol (Argentine) par Olivier Hamilton, 138 pages.

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