Country blues / Claude Bathany

Dans une ferme du fin fond des Monts d'Arrée, en centre Bretagne, vit une famille pour le moins particulière. Les enfants Argol sont quatre : Dany, un agriculteur coureur de jupons ; Cécile, beaucoup plus attirée par les armes à feu que par les hommes ; Jean-Bruno, un boxeur un peu simple d'esprit, et enfin Lucas, schizophrène communiquant par ventriloquie grâce à Olive, son inséparable marionnette. Et puis il y a la mère Argol, sérieusement atteinte par Alzheimer, et qui profite de la moindre occasion pour s'amuser à sa manière.
Tout ce petit monde va être bouleversé par l'arrivée de Flora, une jeune zonarde qui apporte avec elle son lot de mystères. Très vite, des histoires passées ressurgissent, de ce genre de souvenirs qu'on voudrait enterrés à jamais dans la lande bretonne, comme cette série d'enlèvements d'enfants qui avait terrorisé les habitants du Kreiz Breizh.
Mon avis
J'ai gardé un bon souvenir de Last Exit to Brest, premier roman de l'auteur et je dois vous avouer que j'ai tout de suite été attiré par ce roman pour sa situation géographique (j'habite dans le Finistère). Lire un roman noir se déroulant dans des endroits que je connais bien a été une expérience de lecture intéressante. Mais parlons plutôt de ce Country Blues.
Le point fort de ce roman noir, c'est le ton employé par Claude Bathany, qui colle parfaitement à ses personnages. Et pour cause puisqu'il en change régulièrement, utilisant toujours la première personne, de sorte qu'on entre tour à tour dans les pensées de tous les membres de la fratrie Argol. Et, ce qui est assez rare pour être signalé, on a même l'occasion de vivre les mêmes scènes d'après différents points de vue, complémentaires (ce qui m'a rappelé l'excellent film Elephant de Gus Van Sant, mais revenons à nos moutons, des monts d'Arrée bien sûr).
« Je voulais qu'il me conduise jusqu'au bourg avec sa voiturette. Quand je peux, j'évite de prendre la deuche ou ce qu'il en reste. Je me suis déjà fait siphonner huit points sur mon permis et, évidemment, Cécile, malgré ses étroites relations avec les branques de la brigade, elle n'a pas levé le petit doigt pour son cher frère. Le seul doigt qu'elle accepte de lever pour ma pomme, c'est le majeur. J'aurai pu utiliser ma mob qui dort à côté du ring, mais avec ce brouillard du soir qui planait sur les monts d'Arrée et les vapeurs d'alcool qui allaient inévitablement plus tard s'y mêler, j'avais peur de me prendre, après un menhir au comptoir, un second sur la route. »
Les personnages imaginés par l'auteur – très particuliers mais aussi assez attachants – apportent un vrai plus à l'histoire et sont très bien décrits, les uns par rapport aux autres notamment, du fait des changements de focalisation. Les paysages, et surtout l'ambiance d'un centre Bretagne en décrépitude, où ses habitants n'ont pour ainsi dire que la boisson comme divertissement, sont également très bien rendus, avec ce ton cynique et cet humour noir propres à l'auteur.
Le passé – sombre – de certains protagonistes ressurgit petit à petit, au fil d'une intrigue qui ne révolutionnera certes pas le genre, mais qui maintient un certain suspense et se conclut sur un dénouement aussi inattendu qu'original.
Déjà remarqué à l'occasion de la parution de Last Exit to Brest, Claude Bathany confirme son talent avec ce Country Blues, un roman noir de belle qualité qui, espérons-le, en appellera d'autres.
Country blues de Claude Bathany, Métailié/Noir (2010), 180 pages.